Enjeux démocratiques et paix civile : retour sur la Nuit du droit 2025

  • Dernière modification de la publication :7 octobre 2025
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Le 2 octobre 2025, la Chaire UNICAEN Mémoire et avenir de la Paix et l’Institut international des droits de l’Homme et de la paix, en partenariat avec l’UFR de Droit, AES et Administration publique, la cour d’appel de Caen, le tribunal administratif de Caen, le tribunal judiciaire de Caen, le conseil départemental de l’accès au Droit du Calvados et le barreau de Caen, ont orchestré une nouvelle édition de la Nuit du Droit, centrée sur le thème : « Réseaux sociaux, un espace de liberté sous contrôle ? ».

De 19h à 22h, dans l’amphithéâtre Pierre Daure sur le campus de l’université de Caen, juristes, magistrats, avocats et acteurs institutionnels sont venus confronter leurs regards sur les tensions entre liberté d’expression, régulation et protection de l’individu dans l’espace numérique.

Une soirée en plusieurs temps

La soirée s’est déroulée en plusieurs temps, alternant animations interactives, projection et tables rondes. Elle a débuté par l’expérience du portrait numérique collectif, une animation interactive sollicitant le public via l’outil Mentimeter pour dresser un état des lieux des usages des réseaux sociaux. La première table ronde, intitulée « Les réseaux sociaux : quelle(s) responsabilité(s), quel(s) contrôle(s) ? », a ensuite permis aux intervenants d’aborder le cadre juridique et les enjeux liés à la responsabilité des plateformes et à la liberté d’expression. Entre les deux tables rondes, des extraits du documentaire « Nous, Jeunesse d’Iran » ont été diffusés, illustrant les défis de la liberté d’expression et les méthodes de contournement des restrictions numériques. La soirée s’est conclue par la deuxième table ronde, « Réseaux sociaux et société : impact, réalités et bons usages », qui a exploré les effets sociétaux et psychologiques des réseaux et proposé des pistes pour un usage plus responsable et éclairé.

L’expérience du portrait numérique collectif : une animation interactive

Tout au long de la soirée, la salle a été sollicitée via l’outil Mentimeter pour avoir une idée d’ensemble des habitudes de consommation en matière de réseaux sociaux. Les questions posées ont permis de découvrir quels étaient les réseaux les plus utilisés par les spectateurs, le temps de connexion moyen par jour, etc. Deux résultats importants sont à signaler : une part importante des utilisateurs n’estime pas avoir un bon usage des réseaux et la majorité des répondants s’est trouvée exposée à des contenus problématiques. 

« Les réseaux sociaux : quelle(s) responsabilité(s), quel(s) contrôle(s) ? »

Mme Hélène Rouland-Boyer, présidente du tribunal administratif de Caen, Mme Aurore Catherine, maître de conférences en droit public à l’université de Caen Normandie et M. Thibault Douville, professeur en droit privé à l’université de Caen Normandie, ont ouvert les premiers échanges autour du cadre juridique des réseaux sociaux, de la responsabilité des plateformes et des enjeux liés à la désinformation et à la liberté d’expression.

Après avoir donné des éléments de définition de la notion de réseaux sociaux, les intervenants ont dressé un panorama des normes régissant cette activité. Loin d’être unifié, l’ensemble s’est construit dans un amas de règles disparates : droit des télécommunications, droit commercial, droit de la concurrence, droit des données personnelles… Cette pluralité de branches du droit entraîne l’implication d’un grand nombre d’acteurs, comme l’Arcom, la Cnil et la DGCCRF. Sous l’égide de l’Union européenne, des instruments comme le règlement européen sur les services numériques ont permis la construction d’un cadre plus lisible. Tout l’enjeu de la réglementation est de ménager un équilibre entre des intérêts parfois antagonistes, notamment la liberté d’expression et la protection des publics les plus vulnérables.

« Nous Jeunesse d’Iran » : un témoignage poignant sur la liberté d’expression

Entre les deux tables rondes, des extraits du documentaire « Nous, Jeunesse d’Iran » ont été diffusés, pour illustrer de manière concrète les ambivalences que peuvent avoir les réseaux sociaux, et plus largement, les outils numériques. Le film a été réalisé avec des filtres générés par intelligence artificielle afin de protéger l’anonymat de la narratrice. Il montre par quel moyen le régime iranien contrôle l’information, en restreignant le débit de connexion et les applications autorisées. Une partie de la jeunesse doit chercher des solutions pour contourner ces obstacles : VPN, internet satellitaire…

« Réseaux sociaux et société : impact, réalités et bons usages »

M. Arthur Delaporte, député de la 2ème circonscription du Calvados, Mme Virginie Bagneux, maitre de conférences en psychologie sociale à l’université de Caen Normandie et M. Olivier Jougla, ancien Bâtonnier du barreau du Havre, ont, à leur tour, exploré les impacts sociétaux et psychologiques des réseaux, entre construction identitaire et exposition aux discours de haine.

Les différents intervenants ont évoqué certains effets négatifs des réseaux sociaux, comme les risques de comportements addictifs, de mal-être et de désinformation. Il ne s’agit pas de difficultés nouvelles, mais les réseaux sociaux, par leur rapidité et apport massif d’informations, décuplent le problème.  Toutefois, ils ont aussi montré que des solutions existaient. Me Olivier Jougla a exposé de quelle manière le barreau, avec ses ordres et ses règles de déontologie, œuvrait pour que l’usage des réseaux sociaux par les avocats soit digne et conforme à la bonne information du public. Les deux autres intervenants ont recommandé de bonnes pratiques, tout en insistant sur le fait que le principal enjeu était de s’assurer que les géants du numérique respectent leurs engagements et que la société dans son ensemble soit sensibilisée à ces questions.

Une soirée entre droit, société et citoyenneté

En réunissant des intervenants d’horizons variés, la Nuit du Droit 2025 a offert un espace de dialogue ouvert sur les libertés contemporaines et leurs limites. Les échanges ont montré combien l’espace numérique, loin d’être un simple outil de communication, est devenu un lieu de pouvoir, de responsabilité et de citoyenneté.

L’événement s’inscrit pleinement dans la mission partagée de la Chaire Normandie pour la Paix et de l’Institut international des droits de l’Homme et de la paix : favoriser la réflexion collective sur les enjeux actuels de la démocratie, de la régulation et des droits humains dans un monde en constante mutation.